Les puissants … de la boussole intérieure

Ceux qui ont choisi les chemins de traverse le savent : ils en payent le prix (socialement, financièrement...), mais ne reviendraient pour rien au monde en arrière. Souvent, ils se posent la même question : pourquoi avoir mis si longtemps à franchir la ligne ?

La belle vie!
9 min ⋅ 18/10/2023

Nul besoin d’être un demi-dieu ou une créature de Marvel pour disposer de « super-pouvoirs ». Être aux commandes de sa vie donne un sentiment de puissance extraordinaire. Puissance non sur les autres, mais bien sur sa propre trajectoire.

Un grand merci à deux coauteurs que vous connaissez déjà : Catherine, enseignante à la retraite, qui a choisi de rester après de nombreux questionnements quand elle était plus jeune ; Denis, en reconversion dans la voile, qui a choisi de partir. Un merci non moins grand à Marianne, ingénieure, mamie et poète quand elle n’a plus le choix, qui a accepté avec grâce de se joindre à nous. Je n’oublie pas non plus Isabelle que je ne remercierai jamais assez pour la qualité de ses relectures.

Tous réfléchissent sur le travail, la possibilité ou le besoin d’avoir une place dans la société, les moyens de se réaliser, les mues au fil du temps et les manières d’habiter différemment. En croisant nos regards depuis nos fenêtres respectives (différences d’âges, de parcours, de choix de vie), c’est une photographie d’un petit bout de l’univers social que nous devrions obtenir : une image recomposée comme celles obtenues avec un télescope. Que peut-on faire d’autre d’ailleurs que de comparer nos champs de vision étroits pour tenter d’y voir plus net ?

Le titre m’a été inspiré par le film The Mighty (Les Puissants), dont j’avais complètement oublié l’intrigue, mais dont la force des personnages et leur bonheur à l’expérimenter étaient enthousiasmant. Deux enfants vulnérables se découvraient une capacité à agir et transformer leur quotidien: ils se sentaient puissants et libres.

J’entends Catherine, déjà sceptique : j’aimerais bien savoir comment vous arrivez à être aux commandes de votre vie ? En choisissant nos bifurcations peut-être ? Ou nos contraintes ? En 2018, un interlocuteur espagnol s’étonnait que je « paye un prix fort à la vie », alors que lui pensait ne pas trop donner de sa personne (« no pongo mucha carne en el asador » : littéralement, je ne mets pas beaucoup de viande sur le grill). De quel confort parle-t-on ? Il avait un poste valorisant et stable de chercheur dans le Supérieur, mais s’ennuyait, se sentait coincé dans un ensemble d’obligations dont il était fier mais qui ne le comblait pas ou plus.

Depuis le début de ma vie nomade, j’entends souvent des personnes me parler de courage concernant la vie quotidienne. Il en faudrait pour bivouaquer dans les bois, pour ne pas avoir d’eau courante, pour ne pas toujours savoir où l’on va dormir… Or, le vrai courage, s’il en existe un concernant le choix d’une vie un peu différente, consiste à faire primer ses envies et besoins sur les attentes sociales. (Catherine : ce n’est pas clair.) Il réside dans le choix d’une vie plus autonome par rapport au travail, à l’argent, le refus de « faire carrière »… C’est le départ qui demande du courage, pas de s’organiser au quotidien pour remplir ses bidons d’eau au fil de la route ou dormir en forêt.

Une fois le premier pas esquissé, la machine s’enclenche et, comme l’a exprimé à plusieurs reprises Alexandra David-Néel dans les lettres à son mari, il ne faut pas trop écouter les voyageurs qui montent en épingle les difficultés du voyage pour mieux capter l’oreille des curieux. Un pas après l’autre, un voyage devient réalité. Il n’y a aucune raison d’en faire tout un plat. Il en va de même de la vie choisie. (Catherine : c’est un point de vue!) A la différence, semble-t-il, que son potentiel impact politique mérite qu’on lui accorde la plus grande attention. Oui, le bonheur individuel peut transformer le monde pour le mieux. Et c’est de transformation que je vous propose de parler ici. Marianne : bonheur est pour moi ambigu ici. Je dirai plutôt l'accomplissement de soi, au plus près des valeurs que je porte, transforme le monde.

Viktor Frankl, auteur du livre Découvrir un sens à sa vie, écrit en 1946, montre comment la quête de sens peut entrer en conflit avec les besoins de sécurité et d'appartenance sociale, et que de ce fait, des personnes renoncent à leur « volonté de sens » et vivent avec des frustrations existentielles. Il cite souvent Nietzsche : « celui qui a un "pourquoi " qui lui tient lieu de but, de finalité, peut vivre avec n'importe quel "comment". » https://www.lapsychologiepositive.fr/decouvrir-un-sens-a-sa-vie-resume-du-livre-de-viktor-frankl/

En cherchant ce que j’allais écrire sur les murs et la porte de ma petite maison flottante pour qu’elle ressemble pour de bon à ma maison, je suis retombée sur deux poèmes qui m’accompagnent depuis les débuts de ma vie nomade : Invictus et Shedding skin.

Les deux parlent de mue intérieure, mais alors qu’Invictus résonne plus comme un texte de résistance à l’adversité (quand on boit la tasse mais qu’on sait qu’on va dans la bonne direction), Shedding skin est peut-être plus une ode à l’introspection et à l’attention à soi, une fois la tempête passée : l’attention aux changements qui nous façonnent. C’est aussi un texte de réconciliation avec soi-même.

Les voici :

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La belle vie!

La belle vie!

Par Alexandra Borsari

Écrivaine de fiction et non-fiction. Militante pour un congé citoyen et la Skholè pour tous : avoir du temps pour soi, en particulier pour les activités culturelles, ne devrait pas être un luxe réservé à de rares élus. Nomade sur les routes d'avril 2017 à début 2023, je vis maintenant sur l'eau dans un petit voilier. Apprentissage de la navigation en cours pour repartir en itinérance, au moins une partie de l'année.

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