Plonger et remonter

De l’air ! Vite, de l’air ! C’était l’introduction de cette newsletter. Je ne pensais pas en éprouver le besoin de manière aussi littérale. Maintenant que nous basculons du côté ensoleillé du « rocher » (notre planète change d’inclinaison pour recevoir plus de lumière), voici le récit d’un coup de blues existentiel déguisé en déprime saisonnière.

La belle vie!
6 min ⋅ 10/01/2024

Maintenant que c’est passé, on peut se l’avouer : la fin d’année, les jours plus courts… En automne, tout concourt à nous foutre le seum1. (Merci aux Boloss des Belles Lettres)

Oui, on a beau le savoir. Tous les ans, revient comme une petite musique entêtante, un mini spleen de changement de saison. Je vous l’accorde, ça n’est pas le cas pour tout le monde. Et ce n’était pas vraiment mon cas non plus.

Mais la fin 2023 a eu un goût particulier. J’ai plongé… sous le tapis… sans le vouloir et j’en suis ressortie pleine de poussières à évacuer. On ne le dira jamais assez : la poussière sous le tapis, même celui sur lequel vous marchez tous les jours, peut faire mal. Quel bazar mental et quelle secousse aussi ! Maintenant que c’est derrière moi (jusqu’à la prochaine, mais j’espère qu’elle sera moins violente si je fais plus attention à mon hygiène mentale), je ne suis pas mécontente d’avoir passé la vague. Elle était haute, et j’ai bien bu la tasse, mais finalement, je suis toujours là, un peu plus ferme sur mes deux pieds.


Les affres du ponton...

Pourquoi étais-je si mal ? De quoi avais-je peur ? Oui, j’étais coincée à mon ponton par mes faibles compétences en voile, mais aussi parce qu’il avait plu et que la navigation sur la Vilaine était interdite, j’avais rongé mon frein tout le printemps et l’été jusqu’à ce que mon bateau arbore fièrement un gréement tout neuf, et j’étais encore immobile ? Il n’y avait pourtant pas de quoi se mettre la rate au court bouillon, comme dirait l’autre. Alors pourquoi ?

Parce que cette situation entrait en résonance avec mes peurs profondes et non maîtrisées : être acculée dans un recoin et ne plus pouvoir bouger, être comme en prison en plein air. Mes années nomades m’ont offert une forme de confort mental avec la possibilité de disparaître, de ne pas communiquer sur l’endroit où j’étais. En étant dans un port, non seulement, tout le monde pouvait me trouver, mais en plus, je ne pouvais pas encore aller et venir à ma guise ? Pas moyen de m’échapper ? De changer d’air ? De paysage ? De voir enfin l’horizon ? Il y a plus grave sans doute. Mais cette terreur, plus que cette peur, d’être empêchée de bouger me renvoyait à ce que j’avais vécu plus jeune et ne voulais surtout pas revivre. M’échapper, disparaître, réapparaître, voir du monde quand je le voulais et m’isoler quand j’en avais besoin (souvent), je ne le pouvais plus. Il n’y avait qu’une solution pour dépasser cela : affronter mes peurs, devenir encore plus une habitante consciente du pays qu’est ma propre vie, résider dans ma vie, l’investir. Quand il y a un os, il vaut mieux chercher d’où il vient plutôt que l’enterrer. Car contrairement aux idées reçues qui disent qu’un os ne pousse pas, eh bien un os à problèmes se développe bien à son aise dans votre dos. Et il en fait des petits !

Puisque nous parlons de chien, je dois aussi mentionner les cauchemars suite à la mort de Bonnie, ma chienne de 15 ans la nuit de Noël 2022. Elle est morte en s’étouffant, sans que je puisse l’aider. Je me suis réveillée à de nombreuses reprises avec l’impression d’étouffer à mon tour. Je n’avais pas pu l’aider et je m’en voulais.

Je suis passée par plusieurs crises de panique inédites, l’impression d’avoir un couvercle de sarcophage sur la tête et le désespoir à l’idée que je n’allais peut-être pas pouvoir continuer cette nouvelle vie sur l’eau. Le bon côté de ce tsunami mental : j’ai dû affronter des problèmes, ou plutôt un problème majeur esquivé depuis des années.


Rési (st) (li) er / résider / r(é) (ai) sonner

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La belle vie!

La belle vie!

Par Alexandra Borsari

Écrivaine de fiction et non-fiction. Militante pour un congé citoyen et la Skholè pour tous : avoir du temps pour soi, en particulier pour les activités culturelles, ne devrait pas être un luxe réservé à de rares élus. Nomade sur les routes d'avril 2017 à début 2023, je vis maintenant sur l'eau dans un petit voilier. Apprentissage de la navigation en cours pour repartir en itinérance, au moins une partie de l'année.

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